Là où chantent les écrevisses, de Delia Owens

J’avais ce titre en wishlist depuis longtemps, car à sa sortie il a beaucoup fait parler de lui (en bien), mais je n’avais jusqu’ici pas franchi le pas car il ne s’agit pas de mon genre de prédilection et je suis souvent déçue par la littérature américaine. Cependant, il a su me toucher et je l’ai dévoré en deux jours ! Je regrette, du coup, d’avoir tant attendu pour découvrir Kya.

Synopsis :

Pendant des années, les rumeurs les plus folles ont couru sur « la Fille des marais » de Barkley Cove, une petite ville de Caroline du Nord. Pourtant, Kya n’est pas cette fille sauvage et analphabète que tous imaginent et craignent.
A l’âge de dix ans, abandonnée par sa famille, elle doit apprendre à survivre seule dans le marais, devenu pour elle un refuge naturel et une protection. Sa rencontre avec Tate, un jeune homme doux et cultivé qui lui apprend à lire et à écrire, lui fait découvrir la science et la poésie, transforme la jeune fille à jamais. Mais Tate, appelé par ses études, l’abandonne à son tour. La solitude devient si pesante que Kya ne se méfie pas assez de celui qui va bientôt croiser son chemin et lui promettre une autre vie. Lorsque l’irréparable se produit, elle ne peut plus compter que sur elle-même…

Mon avis :

Avec les gens, il y a toujours une excuse pour déverser ses préjugés et discriminer d’autres personnes, même des enfants (de toute façon les préjugés des parents affectent toujours leurs enfants d’une manière ou d’une autre). Quand ce n’est pas le statut social ou la couleur de peau, c’est le lieu de vie, les goûts, le handicap… je pense que vous voyez ce que je veux dire. Les gens peuvent être extrêmement cruels envers leurs semblables, y compris envers des enfants qui n’ont rien demandé.

Kya est la benjamine d’une fratrie qui vit en Caroline du Nord, dans les marais. Et visiblement, là bas, dans les années 50-60 vivre là bas c’est comme vivre en cité HLM chez nous, c’est la zone, le lieu de vie de la racaille en tous genres. Les habitants du marais sont ostracisés, c’est presque pire d’y vivre que d’être Noir, c’est dire. En plus de sa relative isolation sociale (elle ne fréquente personne en dehors de sa famille), son père est violent et sa mère quitte la maison, suivie par le reste de ses frères et sœurs. Son père, avec qui elle parvient tant bien que mal à construire un lien ténu, fini lui aussi par ne jamais revenir et Kya se retrouve à vivre seule dans les marais à dix ans.

Mais Kya, bien qu’un peu sauvage et farouche, est très débrouillarde, intelligente et observatrice. Elle est née dans les marais, y a grandi, et connaît parfaitement son environnement. Elle sait comment y survivre et surtout en voir la richesse là où pour les autres le marais n’est qu’un tas de boue puant.

Bien que se sentant très seule, Kya a quelques anges gardiens qui veillent sur elle, et un ancien ami de son frère parti lui apprend à lire et essaie de lui inculquer quelques codes sociaux, mais il finit par partir pour l’université, la poussant indirectement dans les bras du premier venu pour tromper sa solitude.

Kya est un des personnages les mieux construits qu’il m’ait été donné de lire : habituellement, je déteste les livres écrits du point de vue d’une enfant, mais je n’ai pas eu l’impression de suivre une enfant. J’ai eu l’impression de suivre une petite créature magique, si seule mais vivant dans un environnement si merveilleux, en autarcie presque totale si jeune. C’est un personnage d’une force époustouflante, qui malgré les blessures que la vie lui a infligées a su continuer sa route.

Kya, la petite fille qui n’a été à l’école qu’une seule journée dans sa vie à cause du harcèlement de ses camarades qui la considéraient comme une pouilleuse illettrée va devenir, grâce à Tate qui est le seul à avoir vu l’étendue de son talent, une naturaliste reconnue comme l’une des plus brillantes de son temps. Son sens de l’observation va permettre de cataloguer des espèces que personne ne connaît ou n’a pu observer correctement. Kya n’est pas seulement la fille des marais, elle est une part du marais et n’a pas son égal pour en exposer la beauté.

En parallèle de l’évolution de Kya, on suit une enquête policière sur le meurtre d’un garçon que Kya va fréquenter quelques temps pour tromper sa solitude et qui va la berner en beauté. Cette enquête tombe un peu comme un cheveu sur la soupe au début du livre, puis s’intègre petit à petit. Elle permet surtout de voir l’ampleur des préjugés et la haine vivace que vouent les habitants du coin à ceux des marais, et comment il est facile de faire accuser avec des preuves minimes une personne que l’on déteste grâce à la vindicte populaire.

C’est vraiment un roman qui se lit presque d’un trait et dont on savoure cependant chaque page, avec une écriture douce et pourtant qui ne cache rien. C’est à la fois un hymne à la nature et un portrait sans fard des Etats-Unis des années 50/60. On se prend de passion pour Kya et son histoire si triste et si belle à la fois. Même moi qui ne suis pas un exemple de sensibilité, je n’étais pas loin de lâcher quelques larmes au cours de l’histoire. C’est vraiment une petite pépite que je conseille vivement !

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