La vérité sur les médecines alternatives / Simon Singh et Edzard Ernst

Encore un roman reçu grâce à la Masse Critique Non-Fiction de Babelio ! Et j’ai trouvé délicieusement ironique de recevoir ce titre-ci parmi toute ma sélection qui était quand même bien large.

D’après vous, fiable ou pas fiable ?

Synopsis :

Les méthodes rigoureuses d’évaluation des thérapies sont un acquis récent de l’humanité. Des ravages de la saignée à l’expérimentation qui permit de découvrir le remède contre le scorbut, des statistiques de Florence Nightingale sur l’hygiène dans les hôpitaux aux méta-analyses de la collaboration Cochrane, Simon Singh et Edzard Ernst font le récit de leur longue mise au point. Ils peuvent alors se tourner vers les quatre principales thérapies alternatives, acupuncture, homéopathie, chiropraxie, phytothérapie, dont ils exposent les principes et dont ils retracent l’histoire, qu’elle remonte à la nuit des temps ou à un épisode romanesque du XIXe siècle. Pour chacune, ils présentent les résultats des études les plus récentes, en les illustrant par des histoires particulières, quelquefois dramatiques. Ils sont alors en mesure d’apporter une réponse aux questions que l’on se pose à propos de ces thérapies : qu’est-ce qui est efficace ? qu’est-ce qui peut présenter un danger ? qu’est-ce qui n’est pas plus efficace qu’un placebo ? Des réponses sont apportées de la même façon à propos de trente autres thérapies. Mais le caractère définitif des jugements ainsi formulés sur les divers traitements alternatifs n’épuise pas la question. Des interrogations nouvelles apparaissent : si on sait qu’un traitement ne vaut pas mieux qu’un placebo, est-ce une raison suffisante pour dissuader le patient d’y faire appel ? Ou pour le dire comme les auteurs : la vérité importe-t-elle ?

Mon avis :

Si vous me suivez depuis longtemps (avant que je ne change d’adresse de blog), alors vous savez que j’ai passé un diplôme de conseillère en naturopathie dans une école réputée affiliée à la FENA. La naturopathie n’étant pas un cursus reconnu par l’Etat, c’était dans une école privée qui coûte une véritable blinde.

J’étais une des plus sceptiques de ma promotion, si ce n’est la plus sceptique, car nos cours étaient très peu, voire pas sourcés, et lorsqu’il y avait des liens c’était vers des recherches non-neutres, très orientées ou commandées par des pontes de la naturopathie. J’en avais d’ailleurs fait la remarque plusieurs fois en cours, ce qui m’avait valu des réflexions pas très sympa.

De plus, j’étais assez mal à l’aise avec l’espèce de culte de la personnalité qu’il y avait autour du directeur de l’école, un « grand » naturopathe avec une très longue carrière. Ses livres étaient « très fortement recommandés » en complément des cours, il était souvent cité en source ou en exemple, et il ne fallait surtout pas le critiquer lui ou ses méthodes. Tous les profs lui faisaient de la lèche, c’était assez fou.

Tout ça, combiné au prix extrêmement élevé de la formation (1800 euros pour 4 semaines de cours !) me font penser aujourd’hui que je me suis faite avoir alors que je cherchais un moyen de me légitimer dans le milieu pour trouver du travail. Si c’était à refaire, j’investirais cet argent autrement (même si le stage lié à cette formation a été une des meilleures expériences pro que je n’ai jamais eues).

Mais du coup, quel rapport avec le livre ? Eh bien tout ça pour dire qu’il existe une quantité énorme de livres sur les médecines alternatives, certains écrits par de grandes pontes ou par des personnes bardées de diplômes censées s’y connaître et qui pourtant retombent comme des soufflés, car peu sourcés, ou avec des sources orientées. Beaucoup d’affirmations péremptoires qui n’admettent aucune contradiction alors que justement, la science se remet sans arrêt en question.

La caution de ce livre, c’est que les auteurs sont deux scientifiques confirmés qui n’ont jamais été employés par l’industrie pharmaceutique : un médecin nommé « professeur de médecines alternatives » et un journaliste scientifique qui exerce depuis plusieurs décennies. Ok, pourquoi pas.

La première chose que je dirais, c’est que ce n’est pas un livre fait pour les novices en sciences. Il est écrit façon gros pavé indigeste, avec plein de longues descriptions de processus scientifiques ronflants, même pour moi qui ai un petit cursus scientifique. Une vulgarisation ou au moins une simplification de la méthodologie des expériences aurait été appréciable.

De plus, j’ai eu très vite une sensation de contradiction : le livre débute par un looooooong et ronflant chapitre pour nous expliquer que pendant longtemps la médecine se reposait sur des acquis erronés car elle refusait de remettre en question ses méthodes, puis comment les expériences nous ont menés à « la médecine par les preuves » qui consiste grosso-modo à ne considérer un traitement comme efficace que s’il est passé par un protocole strict pour le prouver. Cette médecine par les preuves est, aujourd’hui, le protocole utilisé pour valider des traitements.

Les auteurs opposent très vite la médecine d’opinion (le genre « cette pierre m’a fait du bien et à ma mère aussi donc la lithothérapie est vraie et ceux qui disent que non sont des vendus ! ») et la médecine par les preuves, ce qui a mes yeux contredit l’intérêt du premier chapitre qui montrait justement que la médecine était passée à côté de choses pendant des siècles par refus de remettre en question ses méthodes. Oui, la médecine par les preuves est efficace et a permis d’énormes progrès, mais elle est récente, qu’est-ce qui nous dit que des traitements ne pourraient pas passer à travers les mailles du filet ? Pourquoi considérer le protocole actuel comme infaillible ?

Cette opposition fait que la majorité du reste du livre consiste à dire que toute médecine alternative qui ne passe pas ce protocole n’est pas efficace et n’est que charlatanisme. En soi, je veux bien le croire car j’ai moi-même pu constater l’inefficacité de beaucoup de ces produits ; cependant… j’ai aussi constaté l’efficacité de certains d’entre eux.

Et les auteurs expliquent ce phénomène, en gros, par l’effet placebo : on croit qu’un traitement peut nous soigner et donc, psychologiquement, on est dans un état qui va favoriser notre guérison sans que la moindre substance active soit dans le médicament. Et que toutes les guérisons par les médecines alternatives s’expliquent comme ça depuis toujours. Là, j’ai envie de dire « mais bien sûr ».

Qui plus est, la manière dont le roman (parce que ça se présente sous la forme d’un roman plus que d’un essai) est exposé donne l’impression au lecteur que les médecines alternatives sont non seulement inefficaces mais aussi dangereuses. Il faudrait savoir, si ça n’a aucun effet alors en quoi c’est dangereux ? Parce que les patients vont les préférer aux traitements médicaux modernes ? Si oui ma foi c’est leur problème, ils s’apercevront bien vite qu’ils ne guérissent pas et retourneront à la médecine classique la queue entre les jambes.

En résumé, je m’attendais à un récit neutre, exposant les différences entre les deux types de médecine et leurs effets, mais j’ai eu, une fois de plus, quelque chose de très clairement orienté pro-médecine classique. Ce n’est pas un mal d’exposer les charlatans qui gangrènent le milieu, mais présenter ça sous le prisme de « c’est comme ça nos preuves sont irréfutables c’est la science on admet pas de point de vue ou possibilité contraire » … ça ne va convaincre personne.

Une réflexion sur “La vérité sur les médecines alternatives / Simon Singh et Edzard Ernst

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