Les libraires gauchers de Londres, de Garth Nix

Encore un livre qui se retrouve dans ma bibliothèque à cause d’une bonne promotion ! Pourtant, j’ai l’impression, à en lire les autres critiques, que je suis passée à côté de quelque chose car je ne l’ai pas trouvé extraordinaire.

Synopsis

Londres, 1983 – ou presque.
Armée de maigres indices, Susan part à la recherche du père qu’elle n’a jamais vu. Mais sa source la plus prometteuse est en réalité une créature du monde magique, qu’un libraire très spécial élimine sous son nez.
Car les libraires sont avant tout les garants de l’équilibre entre le monde réel et le monde mythique – quand ils ne s’occupent pas de vendre des livres.
Merlin et Viviane en font partie, et leurs pouvoirs hors normes ne seront pas de trop pour sortir Susan des mauvais pas où elle a le don de se fourrer.

Mon avis

C’est un livre qui m’a été vendu comme une ode aux libraires un peu décalée… mais j’ai surtout l’impression que c’est moi qui étais décalée, pour le coup. Il est clair que c’est un livre au style atypique, mais justement, un peu trop.

J’ai trouvé la plume (du moins sa traduction, j’ignore si c’est le cas en VO) très lourde et linéaire, ce qui rend la lecture vraiment peu immersive. Pourtant l’idée est là, le background est un peu perché mais sympathique et prometteur. Sauf que je n’ai pas réussi à me mettre dans l’ambiance. L’humour est lourdingue, à trop vouloir faire « décalé » on se retrouve avec des personnages fades et sans saveur.

Il y a beaucoup d’action mais c’est comme si l’action était là pour compenser le manque de profondeur et d’émotions des personnages : c’est LA BAGARRE, donc comme ça on évite de parler. Heureusement vous me direz, vu la platitude des dialogues…

On m’a parlé d’ode aux libraires, mais je ne vois même pas en quoi : oui il y a des libraires, mais ce n’est pas une condition sine qua non pour éveiller ses pouvoirs, donc ils pourraient faire n’importe quoi d’autre de leur vie de ce serait pareil. Les personnages aiment lire, wahou, mais c’est génial !

J’ai aussi remarqué un point bizarre, on est censés être en 1983 mais on a une héroïne avec une mentalité et une liberté d’action plus proche de la 2000…

Pourtant, tout n’est pas mauvais : il faut juste patienter jusqu’à la deuxième partie du roman qui est déjà plus intéressante (je pense aussi qu’au bout d’un moment on finit par oublier la lourdeur de la plume). Cependant, ce n’est pas du tout un coup de cœur.

Il est possible qu’il y ait eu un souci avec la traduction : j’ai déjà lu du Nix et ce n’était pas si lourd…

One Dark Throne, de Kendare Blake

Je vous avais laissés l’année dernière avec ma critique du premier tome de cette excellente saga. J’avais malgré tout quelques nuances qui persistent encore aujourd’hui. En effet, si l’univers est intéressant et s’étoffe avec ce nouveau tome, il y a encore quelques faiblesses de développement.

Synopsis

L’affrontement pour la couronne a débuté et les événements inoubliables de la Révélation ont laissé leur marque dans l’esprit des trois sœurs. Katharine, autrefois cette faible et frêle reine, est devenue étonnamment forte. Arsinoé a découvert un secret lié à son don qui pourrait la mener à son salut ou à sa perte. Enfin, la puissante Mirabella, pensant qu’Arsinoé l’a trahie, est fin prête à en découdre.
En pleine année de l’Ascension, les triplées vont devoir faire face à des attaques qui les pousseront à remettre leurs destins et leur progression vers le trône en question. Leurs amis tout comme leurs ennemis leur forcent la main, les menant à une issue bouleversante qui changera à jamais tous les protagonistes impliqués.

Mon avis [avec spoilers]

Comme tout bon best-seller, ce tome est un véritable page-turner. Comme le premier, je l’ai englouti très rapidement.

L’histoire continue d’avancer mais malheureusement avec une certaine lenteur : comme on suit trois protagonistes avec chacune leur arc, on a une impression de stagnation lorsqu’en tournant les pages on se retrouve juste avec trois versions du même évènement.

Les questions que je me posais avec le premier tome n’ont pas vraiment trouvé de réponse : pourquoi ce mode de succession ? « C’est la tradition » n’est pas vraiment une réponse valide. Pourquoi la Déesse impose une telle cruauté à ses souveraines ? Pourquoi la souveraine doit-elle quitter l’île après avoir donné naissance à la nouvelle fournée de triplées ? A quoi bon survivre puisque le destin de la reine est de régner un peu puis se faire arracher ses enfants puis exiler…? Quel est l’intérêt, que ce soit pour les gens ou pour la Déesse d’un tel mode de fonctionnement ?

Et puis parlons des Empoisonneurs. Les protagonistes semblent s’étonner que les reines empoisonneuses soient les plus nombreuses, mais sans blague en fait ? Elles ont un avantage considérable : elles sont immunes au poison et ont tout à fait le droit d’envoyer des cadeaux empoisonnés à leurs sœurs qui elles n’ont aucune résistance. Forcément dans ces moments-là il suffit de quelques relations pour faire parvenir de la nourriture ou des vêtements empoisonnés et c’est fini. A la rigueur une naturaliste peut connaître des baies empoisonnées mais ça ne l’aidera pas contre une empoisonneuse, et l’élémentaire ne peut pas faire grand chose à distance. Il suffit à l’empoisonneuse de rester tranquille dans son coin et d’empoisonner les autres pour gagner, là où les deux autres ont besoin d’affrontements directs pour avoir une chance. Les chances des reines sont inégales. Et on l’a bien vu dans le tome précédent avec les chocolats empoisonnés, et dans ce tome avec la robe… si les cadeaux avaient atteint leur cible c’était fini.

L’avantage de ce tome, c’est qu’Arsinoé et Mirabella se développent vraiment. Katharine avait eu droit à son développement dans le premier tome au détriment des deux sœurs, mais dans celui-ci, même si Katharine reste le centre de l’attention, on la sent différente et folle là où ses sœurs essaient de comprendre et de rester proches de leurs valeurs.

Cependant, l’ensemble reste plus fade que le premier tome. On aime cette ambiance sombre et cet univers particulier, mais l’autrice retient trop d’informations pour garder le suspense et ça nuit à son histoire qui du coup avance trop lentement. Il y a aussi parfois un peu trop d’arcs secondaires qui pourraient être remplacés par des informations sur l’histoire du continent… et des personnages qui manquent parfois de profondeur, surtout chez les personnages masculins.

Le troisième tome semble plus prometteur en termes de développement, mais je pensais aussi cela à la fin du premier, donc c’est à voir. L’univers Three Dark Crowns a quelque chose d’envoûtant mais mériterait vraiment d’être plus détaillé.

Thorngrove, de Cécile Guillot

Pour commencer l’année, quoi de mieux qu’un roman fantastique d’horreur ? Thorngrove faisait partie des deux romans que les éditions Leha ont bien mis en avant et je me suis laissée tenter. Cependant, contrairement à Three Dark Crowns que j’ai bien apprécié, Thorngrove manquait de trop de choses pour me convaincre.

Synopsis :

Thorngrove. Sa forêt d’épines. Son manoir abandonné. Sa légende noire. Ses jumelles maudites.
Lorsque Madeline débarque à Oakgrove et s’intéresse d’un peu trop près à Thorngrove, elle déclenche une série d’événements de plus en plus inquiétants. Et lorsque sa sœur est touchée, Madeline se demande quelles forces obscures elle a bien pu réveiller…

Thorngrove. Sa forêt d’épines. Son manoir abandonné. Sa légende noire. Ses jumelles maudites.

Mon avis :

L’idée partait plutôt bien, avec une ambiance sombre, une héroïne adolescente plutôt classique mais ayant l’avantage de ne pas être trop cliché ou avec un caractère trop lisse.

Cependant, malheureusement, on part assez vite dans le cliché avec les personnages secondaires qui sont archi-creux, sans développement : la pimbêche insupportable, le beau gosse qui essaie de se faire tout ce qui bouge, le gars mis à l’écart qui est en fait le seul à être fréquentable….

Les personnages gravitant autour de l’héroïne ne bénéficient pas vraiment de développement en dehors de son camarade de classe (et encore), c’est l’inconvénient d’une histoire racontée du point de vue du personnage, d’autant plus quand le personnage est une ado en pleine crise et ne saurait pas voir un éléphant en face d’elle.

L’ambiance du roman peine à être convaincante, même si à chaque nouveau chapitre de nouvelles ronces sont dessinées pour les rendre de plus en plus nombreuses, illustrant l’emprise de plus en plus forte de la chose ayant maudit Thorngrove (oui la chose, parce que même à la fin on ne sait pas ce que c’est exactement). C’est une emprise que l’on peine à retrouver à l’écrit. On sent que quelque chose se passe mais l’héroïne, Madeline, passe complètement à côté.

Et ce côté « je ne vois rien de ce qui se passe » rend la fin complètement bâclée et trop précipitée. Tout se débloque d’un coup et on se retrouve comme deux ronds de flan sans aucune explication sur la nature de cette « malédiction » (en dehors d’un court passage très cliché sur la « magie amérindienne »), la raison pour laquelle elle cible les fratries ou si elle peut être vaincue… rien.

On dirait presque un tome d’introduction pour présenter une ville maudite et introduire le premier drame qui changera l’héroïne en enquêtrice du surnaturel qui vaincra la malédiction, mais à ma connaissance Thorngrove est un one-shot. Je suis donc très perplexe sur l’intérêt d’essayer d’instaurer une ambiance telle, à nous présenter des bribes de magie amérindienne pour ensuite expédier la fin, un peu comme un « ta gueule c’est magique » qui n’apporte absolument rien. C’est comme si Thorngrove n’avait pas de conclusion.

L’ambiance n’est même pas assez immersive pour justifier ce manque de background puisqu’il n’y a presque aucune évolution des personnages ou conclusion convaincante. Les livres Young Adult sont rarement des modèles de développement bien amené mais là, c’est le néant.

En bref, c’est une déception, je m’attendais à mieux entre la couverture magnifique et la publicité faite autour. C’est à mes yeux beaucoup de moyens pour un récit qui n’en vaut pas la peine, mais ce n’est évidemment que mon avis qui ne fait pas autorité.

L’Empire du Léopard, d’Emmanuel Chastellière

Alors que j’étais dans mon idée de découvrir un maximum d’auteur(e)s de fantasy français(es), le nom d’Emmanuel Chastellière est remonté plusieurs fois dans les conseils que l’on m’a donnés. J’avais à la base repéré la Piste des Cendres, mais on m’a soufflé dans l’oreille que l’Empire du Léopard se déroulait dans le même univers et était sorti avant. Du coup, eh bien, me voilà à écrire cette chronique après avoir pris une bonne claque.

Synopsis :

1870.
Après une épuisante campagne militaire, le royaume du Coronado a conquis l’essentiel de la péninsule de la Lune-d’Or. Seul l’empire du Léopard, perdu dans les montagnes, lui résiste encore.
Dans l’attente des renforts promis par sa hiérarchie, le colonel Cérès Orkatz – surnommée la Salamandre – peine à assurer l’ordre sur place, la faute à un vice-roi bien intentionné mais trop faible. Dans ce monde de jungles et de brume, les colons venus faire fortune s’épuisent et meurent à petit feu, même si certains au sein du régiment espèrent toujours découvrir la mythique cité de Tichgu, qui abriterait selon les légendes locales la fontaine de Jouvence.
Alors qu’une éclipse lunaire sans pareille approche, Cérès va devoir tenter d’assurer la survie de ses hommes, au mépris peut-être de ses allégeances…

Mon avis :

Bon, le synopsis parle d’une éclipse lunaire, mais c’est plus que mineur dans l’intrigue, soyons francs.

Ce qui fait la force de ce roman, c’est surtout des personnages extrêmement bien travaillés menés avec une plume sûre et très détaillée. L’auteur maîtrise son univers sur le bout des doigts et nous mène exactement où il veut !

En toute honnêteté, j’ai eu un peu de mal à rentrer dans l’histoire au début, car il y avait un peu trop de détails et je ne comprenais pas tout. L’entrée en matière est trop brutale, mais tout se met en place petit à petit. Le Colonel Cérès a vraiment une personnalité intéressante et porte le roman sur ses épaules, bien que les personnages secondaires soient aussi travaillés, avec leur rôle.

J’ai vraiment aimé le contexte de colonisation d’un pays, et qu’il soit bien montré que ce n’est pas une chose facile. L’Histoire est généralement écrite par les vainqueurs, et enjolivée, donnant l’impression que conquérir un pays et assimiler ses habitants est aussi simple qu’aller poster une lettre à la Poste, sauf que non. Dans ce roman, on nous montre tout le côté sale, la discrimination, les massacres, le rejet de la culture de l’autre, le mépris des vainqueurs envers tout ce qui à trait aux vaincus… l’auteur n’hésite pas à montrer ce qui fâche.

J’ai aussi bien apprécié le fait que le caractère arrangeant et tolérant du vice-roi soit présenté comme une marque de faiblesse par les autres personnages, parce que c’est réaliste et typique de l’époque. Pourtant, on aurait bien aimé plus de souverains comme lui plutôt que des despotes qui se croyaient au dessus de tout. Mais cela permet de rendre le personnage de Cérès plus présent, plus indispensable, plus intéressant, ainsi que le personnage d’Artémis plus dangereux.

Si le côté « oh la la le folklore local que personne ne prend au sérieux devient réalité » est classique de la fantasy, dans ce cas précis, c’est très bien amené, dans une suite d’événements tout à fait logiques et « réalistes ». On a pas, d’un coup, de la magie qui arrive comme un cheveu dans la soupe, on la voit arriver, elle est de plus en plus présente tout du long de l’histoire, jusqu’à son apothéose. J’ai d’ailleurs presque eu pitié de Nahikari sur la fin !

Il faut aussi savoir que le gros de l’action se concentre sur la fin, et que la majorité du roman est fait de petites intrigues, de scènes de vie quotidienne d’un régiment, et de « contemplation ». Pourtant, c’est étrange, je ne me suis pas ennuyée en lisant malgré le manque d’action du début, alors que je suis quelqu’un qui aime voir les choses s’enchaîner. Là, c’est plutôt lent.

L’Empire du Léopard est une petite claque, un roman très bien maîtrisé, intéressant du début à la fin, avec des personnages hauts en couleurs. Je suis surprise et satisfaite !

(Article écrit initialement le 10 juin 2020 et transféré ici)