1915, le génocide des Arméniens, par Gérard Chaliand et Yves Ternon

J’ai reçu ce livre dans le cadre de la Masse Critique Babelio, et comme vous pouvez le voir, il m’a fait sortir de mes habitudes en termes de lecture. J’ai beau aimer l’Histoire, je ne lis que rarement d’ouvrages historiques.

Résumé

Reconnu après une longue lutte de procédure par la sous-commission des Droits de l’homme des Nations unies en 1986 et par le Conseil de l’Europe l’année suivante, le génocide des Arméniens (1915) est toujours nié par l’Etat turc. Cet ouvrage éclaire et met en perspective la déportation et les massacres en masse des populations arméniennes d’Anatolie exécutées durant la Première Guerre mondiale par le gouvernement jeune turc. Le cheminement qui a ramené l’attention sur ce génocide et sa reconnaissance par diverses instances internationales est également décrit et analysé. Enfin, Gérard Chaliand et Yves Témoin, en marge de leurs contributions respectives, ont rassemblé un choix de documents et d’archives allemandes, américaines et britanniques qui établissent les faits et décrivent l’assassinat d’une nation.

Mon avis

De temps en temps, sur Twitter, on voit apparaître dans les tendances le génocide arménien que la communauté arménienne essaie de remettre sur le devant de la scène. C’est un génocide qu’à l’heure actuelle, le gouvernement turc nie toujours. Même si aujourd’hui, ce sont les descendants des victimes et des bourreaux qui s’expriment, on sent une certaine tension dans l’application que met la communauté turque à contrer la communauté arménienne dès qu’elle tente de parler du sujet. C’est encore sensible.

Côté caution sérieux de l’ouvrage, on a Gérard Chaliand, qui est un géostratège d’origine arménienne (nous n’avons donc pas affaire à un livre négationniste) qui a passé la majeure partie de sa carrière sur le terrain pour appréhender les conflits de l’intérieur. Yves Ternon, lui, est un docteur en histoire français, qui s’est particulièrement penché sur la question des crimes contre l’humanité. Deux personnes montrant patte blanche concernant la documentation historique du livre.

C’est un petit livre de 250 pages environ, mais très bien documenté et sourcé. Il ne relate pas des hypothèses mais des faits. Il permet également de se rendre compte du cheminement de pensée des Etats qui ont amené à la reconnaissance -ou non- du génocide arménien.

Le contexte géopolitique ajouté à l’horreur du crime sur un peuple entier fait que cet ouvrage fait froid dans le dos. C’est encore récent et je trouve des similitudes avec l’application de nos gouvernements « civilisés » à minimiser ce qui arrive en Ukraine pour continuer à commercer avec la Russie malgré les exactions commises.

1915, c’est encore récent, et pourtant, ça arrive à nouveau. L’humanité n’apprend pas de ses erreurs.

La Pie Voleuse, d’Elizabeth Day

Il y a quelques mois, alors que je participais un peu par hasard à un concours Babelio, voilà que je gagne ce livre ! Un peu en dehors de mon genre de lecture habituel mais tout de même intéressant sur le papier (haha), j’ai fini par trouver un peu de temps pour m’y mettre. Qu’en ai-je pensé ?

Synopsis :

Une rencontre, une maison, un bébé : entre Jake et Marisa, tout va très vite. Mais fonder une famille coûte cher, surtout à Londres, alors les tourtereaux se décident à sous-louer une chambre. Et c’est ainsi que Kate entre dans leur vie.
À première vue, Kate est la locataire rêvée. Mais les jours passent et Marisa commence à ressentir une gêne au contact de cette femme qui prend de plus en plus de place. Sa grossesse la laisse épuisée, et c’est impuissante qu’elle assiste au rapprochement de Jake et de Kate sous son propre toit. La confrontation est inévitable…
Mais qui dit vrai dans cet étrange trio ? Qui est vraiment Marisa ? La rencontre avec Kate était-elle si fortuite ? Et où se situe Jake entre ces deux femmes ?
Alors que l’arrivée du bébé est imminente, les passions s’exacerbent et la maison va devenir le théâtre d’un affrontement aussi terrible qu’inattendu.
Dans la veine de son précédent roman, L’Invitation, Elizabeth Day nous livre une comédie sociale très noire, pleine de suspense et de rebondissements, qui explore les fragilités d’un couple et les nouvelles formes de parentalité, dans une Angleterre où la hiérarchie sociale continue de teinter les relations humaines.

Mon avis (avec spoilers) :

Je ne me souviens plus du titre mais j’ai déjà lu un livre au pitch très similaire, et dont le retournement de situation était que la narratrice était en fait folle et s’était inventé toute l’histoire. J’avais donc un à priori sur ce livre… totalement justifié puisque c’était exactement le retournement de situation. Il faut croire que la maladie mentale est à la mode dans la littérature… c’est dommage que ce ne soit pas très bien amené.

L’histoire en soi ne commence pas de manière très passionnante. Marisa a un point de vue un peu brouillon et confus, on a l’impression d’assister à la vie de Madame Tout-le-Monde. Evidemment, on est censé comprendre pourquoi après, lorsque le point de vue passe à Kate, mais ça ne donne pas envie de se plonger dans la suite.

Avec Kate, par contre, l’histoire prend une tournure intéressante. On aborde le sujet de l’infertilité, des difficultés de la PMA et des ravages sur le corps des patientes, et enfin des mères porteuses, et du peu d’encadrement qu’il semble y avoir sur cette pratique. Le reproche majeur que je pourrais faire à cette partie, ce sont les facilités scénaristiques. Cependant, la mésaventure de Kate et son mari montre à quel point il est nécessaire d’encadrer ces pratiques : un couple désespéré trouvera toujours le moyen d’obtenir ce qu’il veut, que ce soit en passant par un pays étranger ou en restant dans l’illégalité dans son propre pays. Si la pratique avait été encadrée, alors Marisa n’aurait pas pu cacher sa maladie et devenir mère porteuse malgré la composante génétique de la schizophrénie. C’est d’ailleurs quelque chose qui m’a un peu choquée dans le roman : Kate trouve des médicaments pour la schizophrénie dans les affaires de Marisa, mais personne ne relève que ce sont les ovules de Marisa qui ont été utilisés, et que donc, elle pourrait transmettre cette maladie (qui a une composante génétique, bien que complexe).

Le personnage d’Annabelle est aussi, je trouve, assez peu travaillé, on dirait le cliché de personnage chaotic evil qui est juste là pour faire le mal sans aucune justification derrière.

La Pie Voleuse, c’est un roman qui aborde de manière très délicate et profonde le sujet du désir de maternité et des moyens d’y parvenir, mais échoue sur tout le reste. La plume est faible, les personnages manquent de profondeur voir sont cliché. Le suspens est inexistant puisque lorsqu’on lit un minimum attentivement on voit arriver le retournement de situation à des kilomètres. Le roman est classé en thriller psychologique, mais je ne trouve pas qu’il mérite sa place dans cette catégorie. Il se laisse lire mais c’est très basique. Il pourrait éventuellement vous toucher si la maternité ou la maladie mentale sont des sujets sensibles pour vous, mais ça s’arrête là. Et encore, la maladie mentale est abordée de manière très clichée.

Three Dark Crowns, de Kendare Blake

Je n’ai pas posté de nouveaux articles ici depuis des mois, car bien que je continue mes lectures, j’ai vraiment peu de temps à consacrer aux chroniques… les joies de la reprise d’études !

La promotion de Three Dark Crowns a été bien orchestrée par les Editions Leha, notamment sur Instagram, ce qui m’a conduite à m’intéresser au livre puis à le commander. Et après quelques péripéties de livraison, une fois entre mes mains, il a tenu deux jours !

Synopsis

A chaque génération sur l’île de Fennbirn, une série de triplées voit le jour : trois reines, toutes héritières égales de la couronne et chacune détentrice d’une magie convoitée. Mirabella est une élémentaire féroce, capable d’allumer des flammes affamées ou des tempêtes vicieuses en claquant des doigts. Katharine est une empoisonneuse, capable d’ingérer les poisons les plus mortels sans avoir le moindre mal de ventre. Arsinoé, une naturaliste, a la capacité, dit-on, de faire fleurir la rose la plus rouge et de contrôler les lions les plus féroces. Mais devenir la reine couronnée n’est pas seulement une question de naissance royale. Chaque sœur doit se battre pour cela. Et ce n’est pas seulement un jeu où il faut gagner ou perdre… c’est une question de vie ou de mort. La nuit où les sœurs atteignent leurs 16 ans, la bataille commence. La dernière reine à demeurer debout obtiendra la couronne.

Mon avis

Même si en soi le synopsis m’intéressait, il faut avouer que le coup des frères/sœurs rivaux pour la couronne qui doivent s’entretuer, qui ont chacun un pouvoir spécial différent, ce n’est pas ce qu’il y a de plus original en termes d’histoire. Mais c’est difficile de trouver des petites pépites d’originalité de nos jours, donc autant laisser leur chance aux nouveaux titres, n’est-ce pas ?

Les chapitres se divisent en sorte de POV, chaque sœur ayant sa propre trame et racontant sa propre histoire. Si je me suis vite attachée à Arsinoé, les deux autres sœurs ont mis plus de temps avant de se frayer un chemin vers mon cœur. Je trouvais Mirabelle fade et Katharine me faisait plus pitié qu’autre chose.

Cependant, l’autrice sait comment distiller l’intérêt des lecteurs, petit à petit : les personnages s’étoffent lentement et le monde se met en marche autour d’eux car le moment fatidique approche : celui où les sœurs devront commencer à s’affronter pour le trône.

Les attentes des personnages et leurs intrigues sont plutôt cohérentes, surtout au vu de la situation : l’une des reines est puissante, et les deux autres faibles. Pour faire gagner leur favorite et conserver leurs privilèges, certains devront ruser.

Je vous avoue que j’ai assez vite compris pourquoi les deux autres sont faibles car de petits indices sont présents et donc je n’ai pas trop été surprise par le cliffhanger du dernier chapitre. Il faut savoir que c’est une série parue en anglais en 4 tomes et quelques spin-off, et que donc Three Dark Crowns n’est pas un one-shot.

Si je devais reprocher quelque chose à ce premier tome, c’est son manque de développement de l’univers : c’est un tome centré sur les trois personnages principaux, les reines Mirabelle, Katharine et Arsinoé, et du coup forcément le monde autour en pâtit : on en sait pas trop sur ce pays, sur la raison pour laquelle il a adopté un mode de succession aussi violent, tout est mis sur le dos d’une déesse cruelle dont on ne sait pas grand chose non plus. J’imagine qu’il faudra laisser aux tomes suivants le temps de développer tout ça, étant donné qu’il s’agit de POV on va sûrement tout découvrir en même temps que les héroïnes. Cependant, on aurait gagné à avoir plus de précisions sur l’Histoire, car les héroïnes mettent du temps à se développer et à devenir intéressantes, ce qui gâche un peu l’intérêt du livre. Aucune n’en sait réellement plus que les autres sur ce qui se passe, les forces à l’œuvre ou l’éventuelle possibilité d’y échapper.

C’est, je trouve, Katharine qui bénéficie du meilleur développement, suivie d’Arsinoé, tandis que Mirabelle ne semble pas changer et reste la même, accrochée à ses souvenirs d’enfance et à l’amour qu’elle éprouve encore pour ses sœurs avec qui elle a passé du temps avant d’en être séparée.

Néanmoins, malgré le manque de développement de l’univers, l’histoire titille réellement la curiosité et vaut le coup d’être lue. C’est du young-adult plus sombre et violent que ce qu’on peut trouver habituellement sur le marché, et même si je ne pense pas que la suite sera originale non plus pour le genre (j’imagine qu’on va avoir une rébellion des sœurs contre l’ordre établi, notamment de Mirabelle et Arsinoé, et une abolition de ce mode de succession au prix de péripéties et de morts parmi les personnages secondaires), si c’est bien amené ce sera un très bon divertissement. Les personnages sont réalistes et cohérents, l’histoire a un bon potentiel de développement.

Vaccins, de Lise Barnéoud

Je dépoussière un peu ce blog avec un livre reçu via la Masse Critique de Babelio ! Après avoir gagné un livre sur les médecines alternatives via le même biais, je commence à me demander si Babelio n’essaie pas de faire de moi une égérie pro-sciences ! 😀

Cependant, pourquoi pas ? Avoir fait un cursus en naturopathie m’a justement rapprochée de la science, car j’ai pu voir la gangrène du milieu de près. La science a beau être aussi gangrenée, elle au moins est capable d’apporter des preuves et des résultats. Et puis sans la science je n’aurais même pas survécu à la naissance et je ne serais pas là pour écrire ce formidable (non) article aujourd’hui !

Quatrième de couverture :

Le guide indispensable pour comprendre comment fonctionnent les vaccins


 » Et toi, tu vas te faire vacciner contre le Covid ? « 


Jamais nous n’aurons autant parlé des vaccins. Et pourtant le sujet suscite les passions depuis fort longtemps déjà. C’est que les vaccins éveillent en nous les plus grands espoirs et les pires craintes. Quels sont ces vaccins anti-Covid conçus et commercialisés à la vitesse de l’éclair ? De manière générale, quels sont les enjeux des différents vaccins en France ? De quoi sont-ils constitués et comment fonctionnent-ils ?
Lise Barnéoud examine ici les vaccins maladie par maladie, de la tuberculose au Covid-19. Enrichi en infographies, ce petit volume est un guide indispensable pour tout citoyen désireux de comprendre comment marchent les vaccins, de saisir le délicat équilibre entre les bénéfices et les risques propres à chacun d’entre eux, et de se forger un avis éclairé et dépassionné.

Mon avis :

Pour commencer, je ne dirais pas qu’il s’agit d’un guide indispensable. Les infos qu’il contient sont des infos que vous pourrez trouver sur n’importe quel site sérieux ou chez des vulgarisateurs scientifiques. C’est juste que là, tout est condensé dans un petit livre de poche.

La caution « sérieux » du livre est Lise Barnéoud, qui est journaliste scientifique indépendante et qui est considérée comme l’une des meilleures spécialistes de la vaccination. Cette journaliste couvre la crise du Covid-19 depuis ses débuts. Pour ma part j’avais déjà eu l’occasion de lire certains de ses articles donc je la connaissais déjà, je ne savais juste pas qu’il s’agissait d’une spécialiste en la matière (il faut dire que j’ai la mauvaise habitude de lire des articles sans forcément m’intéresser aux auteurs, sauf quand je suis dans une optique de debunkage).

Là où ce livre est bon, c’est qu’il est accessible. La vulgarisation permet aux novices de comprendre très facilement l’histoire de la vaccination et comment ça fonctionne, des premiers vaccins jusqu’à aujourd’hui.

On a vraiment droit à tout l’historique, ce qui vous rappellera sans doute les cours de SVT si vous en avez eu. 22 maladies à prévention vaccinale et leurs vaccins sont abordées dans le livre, avec non seulement des explications mais aussi des schémas (qui malheureusement je trouve se prêtent mal au format poche, j’ai une mauvaise vue moi).

J’avais déjà eu l’occasion d’aborder le sujet grâce à des Youtubers scientifiques, mais on oublie souvent que la vaccination a permis d’éradiquer des maladies vraiment dégueulasses et douloureuses. Et pourtant à cette époque aussi il y avait des antivax qui, par peur ou ignorance, refusaient le vaccin et essayaient de convaincre les autres de ne pas le faire, malgré l’horreur de la maladie que le vaccin permettait d’éviter. La défiance envers la science a toujours existé.

Le livre aborde aussi les stratégies vaccinales, notamment le pourquoi du comment de l’immunité de groupe ou la manière dont la vaccination de masse permet d’éradiquer une maladie, là où la vaccination partielle ne le permet pas.

Bien évidemment, il explique aussi tout le tintouin autour du vaccin du Covid-19 et sur la technologie à ARN.

Ce n’est pas un livre conçu pour convaincre, il expose simplement des faits et a une visée explicative. De toute façon, même le meilleur livre du monde ne suffirait pas à convaincre des antivax puisque ces gens n’acceptent que les articles qui vont dans leur sens (comme tout bon complotiste qui « fait ses recherches »). Il est juste là pour aider à mieux comprendre : même si vos proches antivax ne seront jamais convaincus, au moins vous, vous saurez ce que vous avez fait.

Je pense malgré tout qu’il peut être utile aux sceptiques (les vrais, pas les faux qui ne veulent pas être assimilés au mouvement antivax mais qui le sont), aux personnes qui se sont faits vacciner par obligation à cause du pass mais sans conviction ou aux gens dont le cerveau balance encore. Non pas pour les convaincre mais pour qu’ils puissent savoir à quoi ils s’exposent. De simples faits mis en avant.

Parfois, comprendre permet d’effacer les peurs et aller de l’avant. Et ce livre est bon pour permettre de comprendre. Vu que c’est un service de presse, je vais le mettre dans la boîte à lire de mon quartier, ce n’est pas le genre de livre à garder pour soi mais celui qui se partage.

Là où chantent les écrevisses, de Delia Owens

J’avais ce titre en wishlist depuis longtemps, car à sa sortie il a beaucoup fait parler de lui (en bien), mais je n’avais jusqu’ici pas franchi le pas car il ne s’agit pas de mon genre de prédilection et je suis souvent déçue par la littérature américaine. Cependant, il a su me toucher et je l’ai dévoré en deux jours ! Je regrette, du coup, d’avoir tant attendu pour découvrir Kya.

Synopsis :

Pendant des années, les rumeurs les plus folles ont couru sur « la Fille des marais » de Barkley Cove, une petite ville de Caroline du Nord. Pourtant, Kya n’est pas cette fille sauvage et analphabète que tous imaginent et craignent.
A l’âge de dix ans, abandonnée par sa famille, elle doit apprendre à survivre seule dans le marais, devenu pour elle un refuge naturel et une protection. Sa rencontre avec Tate, un jeune homme doux et cultivé qui lui apprend à lire et à écrire, lui fait découvrir la science et la poésie, transforme la jeune fille à jamais. Mais Tate, appelé par ses études, l’abandonne à son tour. La solitude devient si pesante que Kya ne se méfie pas assez de celui qui va bientôt croiser son chemin et lui promettre une autre vie. Lorsque l’irréparable se produit, elle ne peut plus compter que sur elle-même…

Mon avis :

Avec les gens, il y a toujours une excuse pour déverser ses préjugés et discriminer d’autres personnes, même des enfants (de toute façon les préjugés des parents affectent toujours leurs enfants d’une manière ou d’une autre). Quand ce n’est pas le statut social ou la couleur de peau, c’est le lieu de vie, les goûts, le handicap… je pense que vous voyez ce que je veux dire. Les gens peuvent être extrêmement cruels envers leurs semblables, y compris envers des enfants qui n’ont rien demandé.

Kya est la benjamine d’une fratrie qui vit en Caroline du Nord, dans les marais. Et visiblement, là bas, dans les années 50-60 vivre là bas c’est comme vivre en cité HLM chez nous, c’est la zone, le lieu de vie de la racaille en tous genres. Les habitants du marais sont ostracisés, c’est presque pire d’y vivre que d’être Noir, c’est dire. En plus de sa relative isolation sociale (elle ne fréquente personne en dehors de sa famille), son père est violent et sa mère quitte la maison, suivie par le reste de ses frères et sœurs. Son père, avec qui elle parvient tant bien que mal à construire un lien ténu, fini lui aussi par ne jamais revenir et Kya se retrouve à vivre seule dans les marais à dix ans.

Mais Kya, bien qu’un peu sauvage et farouche, est très débrouillarde, intelligente et observatrice. Elle est née dans les marais, y a grandi, et connaît parfaitement son environnement. Elle sait comment y survivre et surtout en voir la richesse là où pour les autres le marais n’est qu’un tas de boue puant.

Bien que se sentant très seule, Kya a quelques anges gardiens qui veillent sur elle, et un ancien ami de son frère parti lui apprend à lire et essaie de lui inculquer quelques codes sociaux, mais il finit par partir pour l’université, la poussant indirectement dans les bras du premier venu pour tromper sa solitude.

Kya est un des personnages les mieux construits qu’il m’ait été donné de lire : habituellement, je déteste les livres écrits du point de vue d’une enfant, mais je n’ai pas eu l’impression de suivre une enfant. J’ai eu l’impression de suivre une petite créature magique, si seule mais vivant dans un environnement si merveilleux, en autarcie presque totale si jeune. C’est un personnage d’une force époustouflante, qui malgré les blessures que la vie lui a infligées a su continuer sa route.

Kya, la petite fille qui n’a été à l’école qu’une seule journée dans sa vie à cause du harcèlement de ses camarades qui la considéraient comme une pouilleuse illettrée va devenir, grâce à Tate qui est le seul à avoir vu l’étendue de son talent, une naturaliste reconnue comme l’une des plus brillantes de son temps. Son sens de l’observation va permettre de cataloguer des espèces que personne ne connaît ou n’a pu observer correctement. Kya n’est pas seulement la fille des marais, elle est une part du marais et n’a pas son égal pour en exposer la beauté.

En parallèle de l’évolution de Kya, on suit une enquête policière sur le meurtre d’un garçon que Kya va fréquenter quelques temps pour tromper sa solitude et qui va la berner en beauté. Cette enquête tombe un peu comme un cheveu sur la soupe au début du livre, puis s’intègre petit à petit. Elle permet surtout de voir l’ampleur des préjugés et la haine vivace que vouent les habitants du coin à ceux des marais, et comment il est facile de faire accuser avec des preuves minimes une personne que l’on déteste grâce à la vindicte populaire.

C’est vraiment un roman qui se lit presque d’un trait et dont on savoure cependant chaque page, avec une écriture douce et pourtant qui ne cache rien. C’est à la fois un hymne à la nature et un portrait sans fard des Etats-Unis des années 50/60. On se prend de passion pour Kya et son histoire si triste et si belle à la fois. Même moi qui ne suis pas un exemple de sensibilité, je n’étais pas loin de lâcher quelques larmes au cours de l’histoire. C’est vraiment une petite pépite que je conseille vivement !

La vérité sur les médecines alternatives / Simon Singh et Edzard Ernst

Encore un roman reçu grâce à la Masse Critique Non-Fiction de Babelio ! Et j’ai trouvé délicieusement ironique de recevoir ce titre-ci parmi toute ma sélection qui était quand même bien large.

D’après vous, fiable ou pas fiable ?

Synopsis :

Les méthodes rigoureuses d’évaluation des thérapies sont un acquis récent de l’humanité. Des ravages de la saignée à l’expérimentation qui permit de découvrir le remède contre le scorbut, des statistiques de Florence Nightingale sur l’hygiène dans les hôpitaux aux méta-analyses de la collaboration Cochrane, Simon Singh et Edzard Ernst font le récit de leur longue mise au point. Ils peuvent alors se tourner vers les quatre principales thérapies alternatives, acupuncture, homéopathie, chiropraxie, phytothérapie, dont ils exposent les principes et dont ils retracent l’histoire, qu’elle remonte à la nuit des temps ou à un épisode romanesque du XIXe siècle. Pour chacune, ils présentent les résultats des études les plus récentes, en les illustrant par des histoires particulières, quelquefois dramatiques. Ils sont alors en mesure d’apporter une réponse aux questions que l’on se pose à propos de ces thérapies : qu’est-ce qui est efficace ? qu’est-ce qui peut présenter un danger ? qu’est-ce qui n’est pas plus efficace qu’un placebo ? Des réponses sont apportées de la même façon à propos de trente autres thérapies. Mais le caractère définitif des jugements ainsi formulés sur les divers traitements alternatifs n’épuise pas la question. Des interrogations nouvelles apparaissent : si on sait qu’un traitement ne vaut pas mieux qu’un placebo, est-ce une raison suffisante pour dissuader le patient d’y faire appel ? Ou pour le dire comme les auteurs : la vérité importe-t-elle ?

Mon avis :

Si vous me suivez depuis longtemps (avant que je ne change d’adresse de blog), alors vous savez que j’ai passé un diplôme de conseillère en naturopathie dans une école réputée affiliée à la FENA. La naturopathie n’étant pas un cursus reconnu par l’Etat, c’était dans une école privée qui coûte une véritable blinde.

J’étais une des plus sceptiques de ma promotion, si ce n’est la plus sceptique, car nos cours étaient très peu, voire pas sourcés, et lorsqu’il y avait des liens c’était vers des recherches non-neutres, très orientées ou commandées par des pontes de la naturopathie. J’en avais d’ailleurs fait la remarque plusieurs fois en cours, ce qui m’avait valu des réflexions pas très sympa.

De plus, j’étais assez mal à l’aise avec l’espèce de culte de la personnalité qu’il y avait autour du directeur de l’école, un « grand » naturopathe avec une très longue carrière. Ses livres étaient « très fortement recommandés » en complément des cours, il était souvent cité en source ou en exemple, et il ne fallait surtout pas le critiquer lui ou ses méthodes. Tous les profs lui faisaient de la lèche, c’était assez fou.

Tout ça, combiné au prix extrêmement élevé de la formation (1800 euros pour 4 semaines de cours !) me font penser aujourd’hui que je me suis faite avoir alors que je cherchais un moyen de me légitimer dans le milieu pour trouver du travail. Si c’était à refaire, j’investirais cet argent autrement (même si le stage lié à cette formation a été une des meilleures expériences pro que je n’ai jamais eues).

Mais du coup, quel rapport avec le livre ? Eh bien tout ça pour dire qu’il existe une quantité énorme de livres sur les médecines alternatives, certains écrits par de grandes pontes ou par des personnes bardées de diplômes censées s’y connaître et qui pourtant retombent comme des soufflés, car peu sourcés, ou avec des sources orientées. Beaucoup d’affirmations péremptoires qui n’admettent aucune contradiction alors que justement, la science se remet sans arrêt en question.

La caution de ce livre, c’est que les auteurs sont deux scientifiques confirmés qui n’ont jamais été employés par l’industrie pharmaceutique : un médecin nommé « professeur de médecines alternatives » et un journaliste scientifique qui exerce depuis plusieurs décennies. Ok, pourquoi pas.

La première chose que je dirais, c’est que ce n’est pas un livre fait pour les novices en sciences. Il est écrit façon gros pavé indigeste, avec plein de longues descriptions de processus scientifiques ronflants, même pour moi qui ai un petit cursus scientifique. Une vulgarisation ou au moins une simplification de la méthodologie des expériences aurait été appréciable.

De plus, j’ai eu très vite une sensation de contradiction : le livre débute par un looooooong et ronflant chapitre pour nous expliquer que pendant longtemps la médecine se reposait sur des acquis erronés car elle refusait de remettre en question ses méthodes, puis comment les expériences nous ont menés à « la médecine par les preuves » qui consiste grosso-modo à ne considérer un traitement comme efficace que s’il est passé par un protocole strict pour le prouver. Cette médecine par les preuves est, aujourd’hui, le protocole utilisé pour valider des traitements.

Les auteurs opposent très vite la médecine d’opinion (le genre « cette pierre m’a fait du bien et à ma mère aussi donc la lithothérapie est vraie et ceux qui disent que non sont des vendus ! ») et la médecine par les preuves, ce qui a mes yeux contredit l’intérêt du premier chapitre qui montrait justement que la médecine était passée à côté de choses pendant des siècles par refus de remettre en question ses méthodes. Oui, la médecine par les preuves est efficace et a permis d’énormes progrès, mais elle est récente, qu’est-ce qui nous dit que des traitements ne pourraient pas passer à travers les mailles du filet ? Pourquoi considérer le protocole actuel comme infaillible ?

Cette opposition fait que la majorité du reste du livre consiste à dire que toute médecine alternative qui ne passe pas ce protocole n’est pas efficace et n’est que charlatanisme. En soi, je veux bien le croire car j’ai moi-même pu constater l’inefficacité de beaucoup de ces produits ; cependant… j’ai aussi constaté l’efficacité de certains d’entre eux.

Et les auteurs expliquent ce phénomène, en gros, par l’effet placebo : on croit qu’un traitement peut nous soigner et donc, psychologiquement, on est dans un état qui va favoriser notre guérison sans que la moindre substance active soit dans le médicament. Et que toutes les guérisons par les médecines alternatives s’expliquent comme ça depuis toujours. Là, j’ai envie de dire « mais bien sûr ».

Qui plus est, la manière dont le roman (parce que ça se présente sous la forme d’un roman plus que d’un essai) est exposé donne l’impression au lecteur que les médecines alternatives sont non seulement inefficaces mais aussi dangereuses. Il faudrait savoir, si ça n’a aucun effet alors en quoi c’est dangereux ? Parce que les patients vont les préférer aux traitements médicaux modernes ? Si oui ma foi c’est leur problème, ils s’apercevront bien vite qu’ils ne guérissent pas et retourneront à la médecine classique la queue entre les jambes.

En résumé, je m’attendais à un récit neutre, exposant les différences entre les deux types de médecine et leurs effets, mais j’ai eu, une fois de plus, quelque chose de très clairement orienté pro-médecine classique. Ce n’est pas un mal d’exposer les charlatans qui gangrènent le milieu, mais présenter ça sous le prisme de « c’est comme ça nos preuves sont irréfutables c’est la science on admet pas de point de vue ou possibilité contraire » … ça ne va convaincre personne.

Le dernier testament de Maurice Finkelstein, de Sophie Delassein

Je ne sais pas pourquoi, mais lors de la dernière Masse Critique de Babelio, non seulement j’ai gagné un livre mais j’ai également reçu un autre message me proposant une Masse Critique Privilégiée, avec un livre supplémentaire.

Les livres humoristiques, ce n’est habituellement pas mon genre car mon humour est du genre gamin pipi-caca-prout ou humour très noir, donc j’ai hésité avant d’accepter, mais finalement je l’ai lu d’un trait.

D’après vous, est-ce qu’il vaut le coup ?

Synopsis :

Maurice et Gisèle Finkelstein sont très vieux, très riches et ils n’ont pas d’enfant. Toute la famille s’impatiente en attendant la grande kermesse finale chez le notaire. « Ils vont bien finir par mourir », se dit souvent Sophie Delassein, alias Sophinette, journaliste à L’Obs et nièce préférée du couple, en pôle position sur le testament des octogénaires.

Elle fait moins la maligne à l’été 2019, quand elle découvre que son oncle se meurt dans un hôpital de la Côte d’Azur. Elle pourrait laisser filer, elle décide de le sauver en se souvenant du jour où Maurice lui avait fait promettre de s’occuper de lui et de sa femme en cas de problème. Et là, gros problème il y a. En les plaçant dans un EHPAD près de chez elle, la journaliste chanson fait une entrée fracassante dans le monde de la gériatrie qu’elle observe en pissant de rire – sûrement pour ne pas pleurer.

Le Dernier Testament de Maurice Finkelstein est une tragi-comédie dont les mots-clefs sont : famille, bas de contention, vautour, ta gueule, héritage, jambes entières/maillot/aisselles, aide-soignante, Covid-19, Céline Dion.

Mon avis :

Bien qu’il s’agisse d’un livre humoristique, le thème a ravivé des souvenirs assez désagréables en moi : l’héritage de mes grands-parents. Ils étaient riches, leurs 5 enfants dont ma mère auraient pu se partager un magot ahurissant… mais ils ont préféré s’entre-déchirer pour des broutilles et au fil des années, l’héritage a filé comme le sable entre les doigts. Plus de 15 ans de procédures pendant lesquelles le notaire s’en est mis plein les fouilles et quand enfin l’argent est tombé, il ne restait presque plus rien. Et encore moins pour les petits-enfants qui auraient dû avoir quelques cacahuètes et qui n’ont rien eu. Bref, c’était le moment 36 15 MyLife, les héritages c’est pas marrant, surtout quand y’a un gain digne du super loto à la clé.

Du coup, c’est quel type d’humour ? Eh bien c’est un humour similaire au mien : noir, franc, dérangeant, un brin vulgaire, on sent que l’auteure se fiche complètement de ménager ses lecteurs, c’est brut de décoffrage. Si vous aimez l’humour subtil et délicat, vous pouvez enlever ce livre de votre wishlist, ici on a pas le time.

Sous couvert d’humour, on sent quand même que ça vient titiller les bas instincts des gens avec un sujet qui fâche. Parce que même si la plupart des gens aiment leurs aînés, on ne dit quand même pas non à un gros magot quand ils passent l’arme à gauche, pas vrai ? Et dans le cas des Finkelstein, c’est quand même un très gros magot. Et ce qui se passe, c’est la même chose que dans la vraie vie : les rats sont de sortie, des gens dont vous n’avez pas eu de nouvelles depuis des années reviennent brusquement dans votre vie, leurs intentions aussi claires que de l’eau de roche. ABOULE LA THUNE !

Le couple n’est même pas encore mort que déjà ça se dispute, ça essaie de tirer son épingle du jeu pour gagner des points. Surtout que le tonton Maurice, il change son testament selon son humeur. Ce n’était pas un tendre et il n’a pas mené la vie facile à son entourage, alors je vous laisse deviner l’impatience de certains.

Le dernier testament de Maurice Finkelstein, c’est un roman qui va vous faire rire jaune, qui va vous déranger et en rajouter une couche alors que vous pensiez que la dernière balle était tirée. Non parce que ça tire à balles réelles, on ne va pas se mentir. C’est un roman à plusieurs étages, on pense que c’est « juste » de l’humour mais en réalité ça vous remue bien comme il faut.

La seule chose qui m’a déplu c’est qu’il est écrit « comme on parle » mais version exagérée. J’ai l’impression que c’est un trait commun à tous les livres humoristiques que j’ai pu lire, à croire qu’on a besoin d’un langage familier pour faire passer son message. C’est vraiment de l’argot, à certains moments presque du langage de la té-ci, je ne suis pas habituée.

Cependant, si vous aimez bien rire de sujets qui fâchent et que vous assumez votre côté rapace, ce livre devrait vous plaire ! Je ne vais pas vous dire que c’est LE roman de l’année mais il se lit vite, facilement, et il vous arrachera quelques sourires gênés.

Je lui donne la moyenne, pas plus. Il ne casse pas trois pattes à un canard.

Le malheur du bas, d’Inès Bayard

Le malheur du bas est un livre qui a beaucoup fait parler de lui en cette rentrée littéraire. Toutes les critiques que j’ai lues ont mis en avant son côté cru et dérangeant, et je vous avoue que je ne vais pas présenter un avis différent à ce niveau… car oui, C’EST cru. Obscène. Et c’est même plus que perturbant.

Synopsis :

« Au cœur de la nuit, face au mur qu’elle regardait autrefois, bousculée par le plaisir, le malheur du bas lui apparaît telle la revanche du destin sur les vies jugées trop simples. »

Dans ce premier roman suffoquant, Inès Bayard dissèque la vie conjugale d’une jeune femme à travers le prisme du viol. Un récit remarquablement dérangeant.

Mon avis :

Le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est le genre de lecture qui marque. Je ne suis clairement pas une de ces personnes qui se complaît dans les faits divers crasseux, alors me retrouver comme ça, embarquée de manière si intime dans la vie d’une femme violée qui voit son monde s’écrouler, ça n’a pas été une partie de plaisir, sans mauvais jeu de mots.

D’emblée, déjà, j’ai détesté la narratrice, qui rassemble beaucoup de défauts que j’ai du mal à supporter : c’est le genre de bourgeoise que le prolétaire adore haïr, parce qu’elle a tout ce qu’il n’a pas et s’en rend à peine compte. Une femme aisée qui vit dans son monde et qui se fiche bien des préoccupations des autres.

D’emblée, on sait comment l’histoire se termine. Dès les premières pages, on sait où cette tragédie va nous mener.

D’emblée, on nous annonce la couleur et on nous promet du drama larmoyant, une histoire difficile à lire et encore plus à comprendre.

Le viol. C’est un récit qui nous fait comprendre ce mot dans toute sa noirceur, qui nous montre tout ce qui se passe dans la tête d’une femme qui subit cette horreur et qui se voit obligée de se taire. On sait tous à quel point refouler ses émotions est mauvais, alors imaginez à quel point refouler une épreuve pareille peut vous affecter. Imaginez à quel point vous pouvez devenir paranoïaque, à quel point avoir une vie sexuelle peut être difficile lorsque vous ne pouvez pas dire à votre mari ce que vous avez subi, et ce que vous continuerez à subir, car non seulement vous allez être obligée de continuer à fréquenter votre bourreau, mais en plus vous portez son enfant. Un enfant issu d’un viol particulièrement sauvage et glauque.

On assiste à l’épuisement moral progressif de cette pauvre Marie, la narratrice, qui porte un poids monstrueux sur les épaules sans que personne ne s’en rende compte. Soit c’est une bonne actrice, soit tout le monde s’en fiche. Dans son milieu, on ne parle pas vraiment. Et puis, elle ne peut pas parler. Elle ne peut pas parler alors qu’elle voudrait hurler, qu’elle voudrait arracher le fruit de son viol de ses entrailles. Personne ne l’écoute. Personne ne voit.

Ce roman, c’est aussi celui d’une femme, de nos jours. Une femme à qui on ne demande jamais son avis tout du long de sa grossesse. Personne ne se préoccupe de savoir si elle est d’accord pour subir cet examen gynécologique de début de grossesse, personne ne lui demande si elle souhaite réellement garder cet enfant malgré son malaise palpable. Au moment de l’accouchement, personne ne lui demande si elle veut avoir le bébé contre elle ou non, personne ne lui demande si elle veut recevoir des gens dans sa chambre d’hôpital… tout du long, elle subit. Elle n’ose rien dire. Si elle parle, elle souffrira encore plus.

Dans un de mes articles, je parlais de toutes ces femmes que l’on force à être des mères, par convention sociale, par croyance, mais qui sont incapables d’aimer leur enfant, parce qu’elles ne sont pas faites pour cela. Mais on ne leur a jamais demandé leur avis. Marie, c’est un peu cela, une femme à qui on a pas demandé son avis, une femme qui n’a pas pu parler, une femme qui a subi et qui hait son enfant, hait son mari, hait la vie. Et qui se voit jugée par tout le monde car son absence de fibre maternelle commence à se voir.

Le malheur d’en bas, c’est un roman très sombre, qui n’est clairement pas à mettre entre toutes les mains. Il décrit la déchéance de l’esprit après un traumatisme de manière si crue, si limpide, que c’est vraiment difficile à lire. Ce n’est pas le genre de livre que l’on offre à sa meilleure amie pour son anniversaire, c’est plutôt le cadeau empoisonné que l’on refile à sa belle-mère. Il faut se faire violence pour aller jusqu’au bout, car de simples scènes de la vie conjugale sont douloureuses à lire.

Une chose est sûre, après avoir lu ce livre, on ne voit plus les victimes de viol de la même manière. On en vient même à comprendre le cheminement de pensée qui peut amener une mère à tuer son propre enfant.

Si vous êtes du genre voyeur, qui prend un plaisir fou à lire les faits divers les plus sordides dans les journaux, vous allez adorer ce livre. Mais si vous êtes sensible, en dépression ou trop empathique, fuyez, ce roman met le cafard. Vraiment.

Si je devais lui donner une note sur 5, je mettrais 4, car si le sujet est indubitablement violent, il est traité avec un certain brio, et nous oblige à remettre en question notre manière de penser, au lieu de juger et condamner sans réfléchir. Parfois, il faut utiliser des méthodes extrêmes pour faire passer un message.

(Article initialement écrit le 30 septembre 2018 et transféré ici)

Par le feu, de Will Hill, dans la tête d’une secte

Est-ce que vous vous êtes déjà demandé ce qui pouvait bien passer par la tête des gens qui se laissaient embrigader dans une secte ? Ce qui pouvait bien pousser des gens à s’isoler de toute leur vie, toute leur famille, pour suivre une idéologie trop belle pour être vraie ? Ce que ces gourous ont de si attirant pour retourner le cerveau des gens aussi facilement ?

Synopsis :

Avant, elle vivait derrière la clôture. Elle n’avait pas le droit de quitter la Base. Ni de parler à qui que ce soit. Parce que Père John contrôlait tout et qu’il établissait des règles. Lui désobéir pouvait avoir des conséquences terribles. Puis il y a eu les mensonges de Père John. Puis il y a eu le feu…

Inspiré par l’histoire vraie de la secte Waco, Par le feu est un grand roman sur la folie des hommes et le courage d’une adolescente.


Livre-événement en Angleterre, il a remporté le prestigieux YA Book Prize 2018.


Impossible à lâcher tant qu’on n’a pas atteint la dernière ligne de la dernière page.

Mon avis :

Quand j’étais gosse, j’avais un groupe de témoins de Jéhovah dans mon quartier, et ma « meilleure amie » de l’époque en était une. Et quand j’y repense, c’est hallucinant le point auquel cette secte utilisait les enfants à des fins de propagande, pour faire du forcing auprès de leurs camarades, pour les convaincre de venir « pour voir ». Ma mère avait vite mis le holà en essayant de me parler des dangers des sectes, mais à l’époque j’avais du mal à voir en quoi ce qui était censé être une fête était dangereux. Et c’est là que, justement, ça devient dangereux : parce que ça commence par une « fête » et ensuite ça finit en lavage de cerveau…

Il faut savoir que ce roman est une fiction inspirée d’une histoire vraie : celle de la « tragédie de Waco » , qui a vu un camp de la secte des Davidiens pris d’assaut par l’armée américaine. Cet assaut fut un véritable bain de sang, avec 86 morts (dont quelques soldats de l’armée), dont des enfants. Il se trouve que cette secte était en possession d’armes obtenues de manière illégale.

L’histoire se place du point de vue de Moonbeam, survivante de la tragédie, qui se retrouve avec d’autres enfants survivants en thérapie dans un centre spécialisé. Le but est à la fois de leur soutirer des informations sur leur vie au sein de la secte, et de les aider à comprendre le monde extérieur qui leur a toujours été présenté comme démoniaque.

J’ai justement beaucoup aimé le fait que l’histoire soit présentée en fonction des entretiens de Moonbeam avec le thérapeute. Cela permet de voir son évolution, du début où malgré ses doutes elle garde des réflexes de sa vie passée dans un camp fermé sans aucune éducation. On a également une idée de la manière dont sont accompagnées les personnes qui sortent de ce type de secte ultra-fermée qui coupe ses membres du monde.

Je vous avoue que j’ai eu un peu de mal avec ce type de narration, qui alterne entre passé et présent, mais ça permet de mettre en avant le fait que cette vie au sein d’une secte était comme vivre dans un autre monde, avec ses propres règles qui échappent aux lois du pays dans lequel elle est implantée.

Le sens de l’observation aiguisé de Moonbeam nous permet de nous mettre dans la tête de ces gens qui suivent un gourou sans hésiter, prêts à tout accepter, y compris le pire. De nous donner une idée du pouvoir de persuasion de certaines personnes, mais aussi des limites de ce pouvoir.

Tout du long, on se demande comment les habitants de ce camp peuvent accepter de telles exactions, une telle vie, au sein du monde moderne. On essaie de comprendre, de trouver des excuses, mais pourtant rien ne justifie certains actes, certaines « punitions ». Sans parler des enfants qui naissent au sein de ces sectes fermées et qui grandissent sans éducation puisque « tout ce qu’il y a à savoir se trouve dans la Bible ».

Une chose est sûre, ce n’est pas le genre de livre qui me fera changer d’avis sur la religion, mais je l’ai trouvé très intéressant dans son traitement de la psychologie des personnages. Il fait froid dans le dos, car c’est vraiment difficile de comprendre lorsqu’on est pas très croyant, mais il a le mérite d’apporter un point de vue à tous. Tous les personnages sont traités, ont un cheminement, une personnalité, même vus à travers les yeux de Moonbeam.

Si je devais donner un avis bref, je dirais que ce n’est pas le genre de livre qui casse trois pattes à un canard, mais qu’il est important de lire au moins une fois, pour avoir une véritable idée (car c’est très très fortement inspiré d’une histoire vraie) de ce qui se passe au sein d’une secte moderne. Je l’ai trouvé vraiment intéressant et je pense le relire plus attentivement pour mettre le doigt sur certains aspects que j’ai manqués ! C’est un récit vraiment glaçant mais réaliste.

(Article écrit initialement le 5 avril 2019 et transféré ici)

Ce qui ne tue pas, d’Emilie Turgeon

/!\ Suicide 

C’est un livre très délicat dont je vais parler aujourd’hui, que j’ai reçu dans le cadre de la dernière Masse Critique de Babelio.  J’avais sélectionné ce livre via une multitude d’autres et il s’est révélé étonnamment raccord avec une nouvelle apprise récemment, comme un petit poke du destin.

Synopsis :

Lili, Frankie et Liz avaient le plan parfait : mourir tous ensemble, sans que les gens croient à un suicide. C’est du moins ce qu’ils pensaient. Mais ça ne s’est passé comme prévu… Lili, elle, a survécu. Après un long coma, elle se réveille à l’hôpital, où tout le monde crie au miracle. Mais pour l’adolescente, c’est un désastre. Elle n’est pas morte comme elle le voulait ! Et ses meilleurs amis sont partis, la laissant seule pour endurer cette vie qu’elle désirait tellement fuir. Pas facile de se battre pour recommencer à marcher quand ton seul souhait est d’en finir… Lentement, Lili prend toutefois conscience que son geste a eu de graves répercussions sur les membres de sa famille. Méritaient-ils tous la peine qu’elle leur a fait endurer ? D’ailleurs, ses raisons de vouloir mourir étaient-elles valables ? Au-delà du rétablissement de son corps brisé, la jeune femme devra entreprendre une guérison beaucoup plus difficile. Celle de son esprit.

Mon avis :

Déjà, première chose à savoir, c’est un livre québécois, donc il se peut que certaines tournures de phrases vous sautent aux yeux, mais ce ne sont ni des fautes ni des maladresses d’écriture, c’est juste que ça surprend.

Ensuite, je dirais que c’est un livre plutôt cru. La narratrice parle de mort et de suicide particulièrement librement et sans filtre, surtout au début du roman. C’est quelque chose qui risque de faire excessivement réagir les personnes les plus sensibles.

Enfin, c’est une histoire qui fait remuer les entrailles. L’adolescence et ses périodes d’émotions décuplées qui conduisent à des dépressions particulièrement profondes, pendant lesquelles chaque parole compte et où on a pas toujours le soutien nécessaire.

C’est un roman qui montre la reconstruction après un suicide raté, même si à mes yeux le cadre de vie de Lili est assez idéalisé. Si elle n’a pas une famille richissime, elle est tout de même loin d’être dans le besoin, et qui plus est, elle a des proches qui la soutiennent beaucoup, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. C’est sûr qu’il est plus facile de se remettre de ses émotions lorsqu’on ne manque de rien ni de personne (je crois que mon amertume parle un peu), même si ça ne fait pas tout.

On assiste à l’évolution lente de Lili, et à ses flashbacks qui nous montrent ce qui l’a conduite, ainsi que ses amis, à en arriver à une telle extrémité. Tant de noirceur est assez difficile à lire par moments, et la manière dont Lili se comporte n’est pas sans rappeler ces adolescents odieux et irrespectueux particulièrement insupportables.

Et si Lili avait ses raisons de se sentir mal et de péter des câbles, je trouve que le roman a un petit côté culpabilisant envers les parents, surtout ceux qui ne font parfois pas attention aux différences de traitement qu’ils font entre leurs enfants. C’est humain de parfois faire des préférences ou d’afficher sa fierté quant au devenir de l’un d’entre eux. Evidemment, oui, il faut faire attention à ne pas rendre la chose injuste, mais pas besoin non plus de culpabiliser les gens à ce point.

A voir cependant si ce genre de lecture a un effet sur un adolescent en mal-être. Avec le recul d’un adulte, on peut comprendre l’impact qu’a un suicide sur ses proches ; mais avec une dépression boostée par les hormones de l’adolescence, peut-on réaliser complètement ?

(Article initialement écrit le 25 novembre 2019 et transféré ici)